Dans le nord du Portugal, à une heure de Porto, la petite ville de Barcelos vit au rythme de ce symbole. Chaque jeudi depuis le XVe siècle, son marché attire des milliers de visiteurs venus chercher l’emblème coloré connu du monde entier. Mais derrière ce coq de céramique se cache une histoire bien plus profonde qu’un simple souvenir touristique comme l’expliquent Émeline et Virginia de Soprasi.
L’histoire remonte au Moyen-Âge. Un crime a été commis à Barcelos et aucun coupable n’a été identifié. La population est inquiète et exige que justice soit faite rapidement.
Un pèlerin galicien de passage, en route vers Saint-Jacques-de-Compostelle, attire les soupçons. Sans preuve, il est arrêté et condamné à la pendaison. Le voyageur clame son innocence mais personne ne le croit.
Avant son exécution, il demande à être présenté au juge. Celui-ci est attablé avec des invités pour un banquet. Sur la table se trouve un coq rôti. Le pèlerin désigne l’animal et déclare : « Mon innocence est aussi évidente qu’il est évident que ce coq va chanter quand vous me pendrez. »
Les convives éclatent de rire face à cette affirmation absurde.

Le jour de l’exécution, alors que le pèlerin est sur le point d’être pendu, le coq rôti se dresse sur la table et se met à chanter. Le juge, homme de foi, court vers l’échafaud et découvre que le nœud de la corde a empêché la strangulation. Il fait immédiatement relâcher l’innocent.
Des années plus tard, le pèlerin revient à Barcelos et fait ériger un monument en l’honneur de Saint-Jacques et de la Vierge. Ce pilier médiéval, orné de sculptures, se trouve aujourd’hui au Musée Archéologique de Barcelos.
Ainsi naît la légende du coq de Barcelos, symbole de foi, de justice et de bonne chance.
Si la légende était connue localement, c’est au XIXe siècle que les artisans de Barcelos commencent à la représenter en céramique. Le coq devient un motif prisé, d’abord modeste, vendu sur le marché hebdomadaire du jeudi.
Chaque pièce est peinte à la main. Le design traditionnel se caractérise par :
Ces couleurs vives et ce style stylisé racontent l’histoire d’un peuple lié à la terre, au mythe et à une identité populaire forgée dans la foi et la justice.

Certains historiens s’interrogent sur l’implication de Salazar dans la popularité du coq de Barcelos. Dans les années 1930, le régime de Salazar, via son Secretariado de Propaganda Nacional dirigé par António Ferro, aurait cherché à façonner une image du « Portugal éternel ». Le coq de Barcelos, avec ses origines morales, religieuses et paysannes, aurait été une icône idéale pour cette propagande.
À partir des années 1950, le coq s’émancipe de son ancrage local pour devenir l’un des objets-souvenirs les plus vendus du pays. Il incarne la « Portugalidade », cette essence romantique du Portugal, à la fois pittoresque et accueillante.
Le coq apparaît sur les affiches touristiques, les guides, les expositions internationales. Il s’exporte dans les valises des touristes du monde entier. Au-delà du kitsch qu’on pourrait lui reprocher, il conserve une charge symbolique forte : celle d’une justice divine, d’une foi profonde et d’une nation unie dans sa diversité.
Aujourd’hui, le coq de Barcelos est devenu un symbole d’unité et de chance au Portugal. On dit que l’avoir chez soi apporte protection et prospérité.
Tous les jeudis depuis 1412, le Campo da República de Barcelos accueille l’un des plus grands marchés du Portugal. C’est ici que bat le cœur de la tradition artisanale de la ville.
L’expérience du marché :
Dès 7 heures du matin, les commerçants installent leurs étals. Vers 8 heures, le marché est déjà en pleine effervescence. Les allées se remplissent rapidement et il devient difficile de circuler tant la foule est dense.
On y trouve de tout :
Rencontre avec les artisans :
Le marché de Barcelos n’est pas un décor pour touristes. Beaucoup travaillent encore à la main, dans des ateliers familiaux transmis de génération en génération.
Certains acceptent de parler de leur technique, de montrer comment ils appliquent les motifs, comment ils cuisent la céramique. C’est une expérience locale, loin des boutiques standardisées.
Conseils pratiques pour le marché :
Le coq de Barcelos n’est pas figé dans la tradition. Plusieurs artistes portugais l’ont réinterprété.
Joana Vasconcelos Cette artiste contemporaine reconnue a revisité le coq à plusieurs reprises. Ses sculptures monumentales, recouvertes de crochet ou d’azulejos, transforment le symbole populaire en installation d’art conceptuel. En plaçant ses coqs géants sur des places publiques à Barcelos et Lisbonne, elle rend hommage à l’imaginaire collectif tout en interrogeant les rapports entre tradition, culture de masse et identité nationale.
Júlia Côta Figure majeure de la céramique populaire portugaise dans la région de Barcelos, elle perpétue les techniques traditionnelles tout en apportant sa touche personnelle aux motifs.
Ces réinterprétations montrent que le coq de Barcelos reste un symbole vivant, capable de dialoguer avec l’art contemporain sans perdre son ancrage populaire.

Barcelos mérite qu’on s’y attarde plus longtemps que le temps d’un passage au marché. La ville a conservé un centre historique médiéval agréable.
Le Musée Archéologique Installé dans les ruines du Palais des Ducs de Bragance, il abrite le pilier médiéval érigé par le pèlerin de la légende. Cette croix en pierre sculptée, datant du XIVe siècle, est l’objet tangible le plus ancien lié à l’histoire du coq.
L’Igreja de Nossa Senhora do Terço Cette église du XVIIIe siècle présente un contraste saisissant entre son extérieur sobre et son intérieur richement décoré d’azulejos et d’autels dorés.
L’Igreja do Senhor Bom Jesus da Cruz Édifiée en 1704, cette église baroque impressionne par son plan octogonal et sa lourde coupole de granit d’environ 10 mètres de diamètre. L’intérieur est orné de magnifiques panneaux d’azulejos du XVIIIe siècle.
Le pont médiéval de Barcelos Ce pont en pierre enjambe le fleuve Cávado et offre une belle vue sur la ville.
La Torre Medieval Vestige des anciennes fortifications, cette tour a servi de prison jusqu’en 1932. Depuis 2013, elle abrite l’office de tourisme et un centre d’artisanat. Du sommet, on a une vue panoramique sur le fleuve, le marché et les jardins.
Barcelos se trouve dans la région du Minho, au nord du Portugal, réputée pour ses paysages verts, ses traditions rurales et son vin.
Le vinho verde Cette région produit le célèbre vinho verde, un vin légèrement pétillant et peu alcoolisé, idéal pour accompagner les spécialités locales. Des domaines viticoles situés à 30 minutes de Barcelos proposent des dégustations.
La gastronomie du Minho La cuisine de la région est généreuse et authentique :
La Festa das Cruzes Chaque année début mai, Barcelos célèbre la Festa das Cruzes, une fête religieuse et populaire qui transforme la ville pendant plusieurs jours. Processions, expositions artisanales, concerts et feux d’artifice animent les rues.
Pourquoi le coq de Barcelos est-il devenu le symbole du Portugal ? Le coq représente des valeurs fondamentales de l’identité portugaise : la foi, la justice, la résilience face à l’injustice. Le régime de Salazar l’a promu dans les années 1930-1950 comme symbole touristique national, et il est resté ancré dans l’imaginaire collectif.
Tous les coqs de Barcelos sont-ils fabriqués à Barcelos ? Non, beaucoup de coqs vendus dans les boutiques touristiques du Portugal sont produits ailleurs, parfois même importés d’Asie. Pour un coq authentique fait à Barcelos, il faut l’acheter directement au marché du jeudi auprès des artisans locaux.
Comment reconnaître un vrai coq de Barcelos artisanal ? Les pièces authentiques sont peintes à la main, donc chaque coq est légèrement différent. Les couleurs peuvent présenter de petites imperfections, signe du travail artisanal. Le prix est généralement plus élevé qu’un coq industriel (à partir de 10-15 euros pour un petit modèle).
La légende du coq est-elle vraie ? Aucun document historique ne prouve que l’événement s’est réellement produit. C’est une légende transmise oralement, qui ressemble au « miracle du pendu-dépendu » associé au pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle. Le pilier médiéval du musée est réel, mais on ne sait pas s’il a vraiment été érigé par un pèlerin miraculé.
Peut-on visiter des ateliers de céramique à Barcelos ? Certains artisans acceptent les visiteurs dans leurs ateliers, mais il est recommandé de prendre contact à l’avance. L’office de tourisme de Barcelos (dans la Torre Medieval) peut vous renseigner.
Le marché de Barcelos a-t-il lieu toute l’année ? Oui, tous les jeudis sans exception, même en cas de jours fériés (sauf rares exceptions comme la Fête-Dieu). Préférez la belle saison (avril à octobre) pour profiter pleinement de l’atmosphère.
Accès en train : La ligne ferroviaire relie Porto à Barcelos en environ 1 heure. C’est le moyen le plus pratique si vous n’avez pas de voiture.
Accès en voiture : Barcelos se trouve à environ 60 km au nord de Porto via l’A3 et l’A11 (environ 45 minutes). Attention, le stationnement est très difficile le jeudi, jour du marché.
Visite à la journée ou avec nuit sur place ? Une visite à la journée depuis Porto est tout à fait faisable. Si vous venez pour le marché du jeudi, partez tôt le matin (train vers 7h-8h) et vous aurez le temps de profiter du marché et de visiter le centre historique avant de rentrer en fin d’après-midi.
Pour une expérience plus tranquille, passez une nuit à Barcelos. Plusieurs guesthouses et petits hôtels proposent des hébergements authentiques à prix raisonnables (40-80 euros la nuit).

Barcelos s’intègre bien dans un circuit du nord du Portugal :
Circuit 3-4 jours dans le Minho :
Autres marchés traditionnels de la région :