C’est le pain frit islandais de Noël. En Islande, on dit que tant que le laufabrauð n’a pas été fait alors ce n’est pas vraiment Noël.
Jean-Marc et Harpa d’Alkemia vous explique tout sur cette tradition et vous emmène en faire avec sa famille à Helgafell.
Alors que vos pas font crisser les parterres de feuilles mortes, c’est dans les cuisines que les “feuilles de pain” crépitent en Islande. Nous sommes fin novembre. L’automne est bien avancé en France, l’hiver est déjà installé en Islande. Et les préparatifs de Noel n’attendent pas. C’est la saison du laufabrauð, littéralement pain feuille, une tradition ancestrale du Nord de l’Islande qui consiste en la préparation de galettes de blé croustillantes, ornées de décorations délicates faites mains.
Harpa nous livre son témoignage et nous plonge dans la casserole de lait. Euh non… plongeons avec elle au cœur de cette coutume locale !

Nous connaissons toutes et tous le blini d’Europe de l’Est, la focaccia d’Italie, la pita du Moyen-Orient, la chapati d’Inde, la matsa des Hébreux, le naan d’Asie, la tortilla d’Amérique centrale. Ces pains plats ou galettes vont d’un millimètre à quelques centimètres d’épaisseur. Vous pouvez désormais ajouter à la liste le laufabrauð d’Islande, qui a des chances de remporter la médaille du plus fin !
Et comment s’assurer de cette finesse ? Le disque de pâte, préalablement découpé dans un rouleau de pâte, est aplati au rouleau (à pâtisserie cette fois), à la main. Le test ultime pour vérifier si la galette est suffisamment fine est de la déposer (avant cuisson) sur une page de journal. Les lettres se dévoilent à vous et les mots se font jour ? Bravo, vous êtes expert.e en laufabrauð ! « Une galette réussie est une galette au travers de laquelle on peut lire le journal ! » nous confie Harpa.
Revenons quelques siècles en arrière… De 1380 à 1918 l’Islande est sous domination danoise (L’indépendance est acquise en 1944 mais 1918 marque l’autonomie du pays) . Les danois.es, en tant que colon.ne.s, ne font pas exception et les conditions de vie des Islandais.es sont particulièrement difficiles durant ces siècles d’assujettissement. Cela est accentué durant les XVII et XVIIIe siècles, période du monopole commercial danois, pendant lesquels les Islandais.es ne peuvent commercer avec l’extérieur ni exploiter librement leurs ressources. Il est résulte des pénuries en denrées de base et notamment en farine.
Alors, pour les fêtes de fin d’années, afin que chacune et chacun puisse se régaler d’un petit pain festif, la tradition des laufabrauð voit le jour… une recette qui utilise le moins de farine possible tout en permettant de confectionner le plus de galettes possible. Il n’y a pas de sources historiques liant le monopole danois et la tradition des laufabrauð, néanmoins Harpa explique les choses comme cela et son sentiment semble être partagé.
On pourrait dire du laufabrauð qu’il est le pain du partage. Cela se justifie également par la pratique qui consiste à réunir toute la famille pour mettre la main à la pâte pour la préparation des pains.
En effet, vous l’aurez compris, la confection de ces galettes est longue et minutieuse. Ainsi, plusieurs semaines avant les fêtes de Noel, ce sont les grands-parents, les oncles et tantes, les cousines et cousins, les parents, les enfants, les ami.e.s qui se retrouvent gaiement pour préparer de grandes quantités de galettes, qui seront conservées jusqu’aux repas fin décembre. Alors… que se passe-t-il en cuisine ?
La veille, des graines de carvi sont mises à infuser dans le lait. Celui-ci est chauffé puis on le laisse infuser et refroidir toute la nuit. Au matin, on filtre le lait qui est alors réchauffé jusqu’à son point d’ébullition et mélangé à de la farine, du beurre fondu et une pincée de sel. Pas trop de farine, car il y en a peu, et que la pâte doit être compacte. Vers midi, les renforts arrivent et les équipes sont formées. Une groupe va former des rouleaux de pâte, un autre découper des tronçons ou disques, une ou plusieurs personnes auront alors la responsabilité d’aplatir ces disques et de découper les contours pour obtenir un cercle parfait. Chez Harpa, c’est la tache de son père.
Puis vient la team décoration qui peut laisser toute sa créativité s’exprimer ! Pour cela, il est possible d’utiliser un outil dédié, appelé laufabrauðsjárn, littéralement le fer à pain feuille : une petite roulette en métal qui découpera des formes directement sur la pâte. Pour des motifs plus libres, utilisez simplement un couteau à pointe.
Ce n’est pas sans rappeler les décorations que nous trouverons dans quelques semaines sur nos galettes frangipanes, vous ne trouvez pas ?

Et maintenant, place à la cuisson ! À l’aide de deux fourchettes, chaque feuille de pain est délicatement plongée dans l’huile bouillante pendant quelques secondes puis retirée avec la même attention, déposée sur un papier absorbant et enfin aplatie à l’aide d’une poêle à crêpe, d’une planche, ou de ce que vous avez sous la main qui garantira l’allure recherchée. « La journée de préparation commence généralement à midi et finit tard le soir ! » confie Harpa.
Elle ajoute que c’est depuis quelques années seulement qu’elle fait sa propre pâte, en utilisant la recette de famille. Peut-on y voir un signe de maturité et d’indépendance ? Après des années d’apprentissage et de pratique en famille, confectionner sa propre pâte à laufabrauð, qu’elle espère transmettre à son tour, marque une étape de vie importante pour une femme islandaise.
Et de conclure : « un Noel sans laufabrauð et sans skata n’est pas un Noel réussi ! »
Vous pourrez découvrir la skata, le plat traditionnel de raie fermentée, dans un prochain article… Et si d’ici là vous êtes de passage en Islande, ruez-vous dans une boulangerie et demandez à gouter un laufabrauð (prononcez loeil-va-broeil-th). Ces galettes croustillantes se mangent simplement avec du beurre en accompagnement de votre repas. Régalez-vous !

À Reykjavik :
Plusieurs boulangeries de la capitale proposent du laufabrauð durant la période de Noël (novembre à janvier) :
Marchés de Noël : Le marché de Noël de Reykjavik (Ingólfstorg) propose parfois des stands de laufabrauð fait maison.
Expérience authentique avec Alkemia : Jean-Marc et Harpa d’Alkemia organisent des ateliers de fabrication de laufabrauð en famille à Helgafell. C’est l’occasion de participer à cette tradition dans un cadre familial authentique et d’apprendre les gestes transmis de génération en génération.
Dans les fermes et guesthouses : De nombreuses fermes-auberges proposent des repas traditionnels islandais durant la période de Noël. N’hésitez pas à demander si du laufabrauð est au menu.
Période de préparation : Fin novembre à début décembre Les familles islandaises se réunissent plusieurs semaines avant Noël pour préparer leurs galettes.
Période de dégustation : Décembre et janvier Le laufabrauð accompagne traditionnellement les repas de Noël, notamment le 24 décembre au soir avec le dîner de la veille de Noël (souvent composé de skata, la raie fermentée).
Meilleure période pour un voyage culinaire en Islande : Si vous souhaitez découvrir cette tradition, planifiez votre voyage entre fin novembre et fin décembre. Vous pourrez :
À noter : L’hiver islandais est rigoureux. Prévoyez des vêtements chauds et vérifiez l’état des routes si vous comptez sortir de Reykjavik.
Qu’est-ce que le laufabrauð ? Le laufabrauð (littéralement « pain feuille ») est une galette de pain très fine, frite dans l’huile et décorée de motifs traditionnels. C’est une spécialité de Noël originaire du nord de l’Islande, aujourd’hui préparée dans tout le pays.
Comment prononcer laufabrauð ? On prononce approximativement « loeil-va-broeil-th ». Le « th » final se prononce comme le « th » anglais dans « the ». Le « ð » islandais est une lettre spécifique qui correspond à ce son.
Quel goût a le laufabrauð ? Le laufabrauð a un goût délicat de pain légèrement parfumé au carvi. La texture est croustillante, presque craquante. On le mange généralement avec du beurre, ce qui adoucit le goût. C’est moins sucré qu’une crêpe, plus fin qu’un pain plat classique.
Peut-on acheter du laufabrauð en France ? Il est difficile de trouver du laufabrauð en France. Quelques épiceries scandinaves ou nordiques peuvent en proposer durant la période de Noël, mais cela reste rare. La meilleure option est de le préparer soi-même avec la recette traditionnelle.
Comment participer à un atelier de laufabrauð en Islande ? Plusieurs options s’offrent à vous :
Le laufabrauð est-il végétarien ? La recette traditionnelle contient du lait et du beurre, donc elle est végétarienne mais pas végétalienne. Il est possible de réaliser une version végane en remplaçant le lait de vache par du lait végétal et le beurre par de l’huile ou une margarine végétale.
Le laufabrauð n’est pas la seule spécialité qui marque les fêtes de fin d’année en Islande. Voici d’autres plats traditionnels que vous pourrez découvrir :
La skata (raie fermentée) Comme le mentionne Harpa, « un Noël sans laufabrauð et sans skata n’est pas un Noël réussi ! ». Ce plat de raie fermentée est servi le 23 décembre, jour de la Saint-Thorlákur. Son odeur est… particulière, mais c’est un incontournable de la cuisine islandaise hivernale.
Le hangikjöt (agneau fumé) Viande d’agneau fumée traditionnellement servie lors du réveillon de Noël, accompagnée de pommes de terre, de petits pois et de sauce blanche.
Les kleinur Sortes de beignets torsadés parfumés à la cardamome, préparés toute l’année mais particulièrement durant les fêtes.
Le jólabland (mélange de Noël) Assortiment de bonbons, chocolats et fruits secs que l’on grignote pendant l’Avent.
Ces traditions culinaires témoignent de l’importance des rassemblements familiaux et du partage en Islande, particulièrement durant les longues nuits d’hiver.
Période recommandée : Fin novembre à fin décembre
Conseils pratiques :
Activités à combiner :