Chaque fois que l’on évoque la Vallée de l’Omo en Éthiopie, les débats s’enflamment :
« Zoo humain »
« Exploitation »
« Laissez-les tranquilles »
« Achetez un livre plutôt que d’aller les voir »
Et si on regardait les choses autrement ?
Oui, certains circuits transforment les visites de villages en spectacles : on arrive, on photographie, on repart. Les communautés deviennent des figurants d’un folklore monté en épingle, réduits à des costumes et des rituels mis en scène.
Dans ce cas, le terme de « zoo humain » n’est pas exagéré. Et il faut l’assumer : ce tourisme extractif ne respecte ni les habitants, ni les voyageurs, ni l’esprit même du voyage.
Certains avancent : « Laissez-les tranquilles. » C’est vrai, personne n’a à imposer sa présence. Mais la réalité est plus complexe :
Les communautés locales ne vivent pas dans un musée. Elles commercent, se déplacent, évoluent.
Elles peuvent choisir — ou non — d’ouvrir leur culture aux visiteurs. Refuser toute rencontre, c’est aussi nier leur capacité à décider de leur rapport au monde extérieur.
Le tourisme n’est pas neutre. Il peut être :
Un piège : quand il enferme les communautés dans une image figée, folklorisée, et ne leur rapporte que des miettes.
Un levier : quand il est co-construit avec elles, quand elles fixent les règles, quand les retombées économiques, culturelles et symboliques leur reviennent réellement.
Le problème n’est pas « d’aller ou de ne pas aller », mais d’aller comment.
Chercher une immersion sincère, pas une mise en scène.
Privilégier les circuits où les habitants accueillent selon leurs termes.
Comprendre qu’une rencontre, ce n’est pas une photo à collectionner, mais un échange humain.
Derrière chaque accusation de « voyeurisme », il y a une vraie question :
Notre manière de voyager renforce-t-elle les stéréotypes, ou bien ouvre-t-elle des horizons ?
Le voyage permet-il à ces communautés de mieux vivre, ou les enferme-t-il dans une vitrine ?
Le voyage responsable n’est pas de « ne pas voyager », mais de savoir pourquoi, avec qui et dans quelles conditions.
L’important n’est pas de fuir les communautés pour ne pas « les déranger », ni de les consommer comme un produit touristique. L’important est de voyager en adultes responsables, capables de questionner nos pratiques, d’accepter la complexité, et surtout de reconnaître aux communautés locales le droit fondamental : choisir leur avenir, et leur rapport au tourisme.