fbpx
11 juillet 2025
Julie Paris

Quand le PSG copie la danse d’un enfant de 11 ans et que tout dérape

Rayyan Arkan Dikha, un garçon de 11 ans qui danse sur un bateau, ça vous dit quelque chose ? Vous avez forcément vu les images. Sa « chorégraphie » est devenue virale et a été imité par de nombreuses personnes de divers pays. Le PSG, l’AC Milan et des millions d’internautes reprennent sa gestuelle. Derrière ces images devenues virales se cache une tradition indonésienne vieille de plusieurs siècles: le Pacu Jalur.
L’histoire aurait pu être belle : un enfant indonésien fait découvrir au monde entier une tradition ancestrale de son pays. Mais voilà le problème : personne ne sait vraiment ce qu’est le Pacu Jalur. On copy-paste la danse, on la transforme en mème, on l’utilise pour vendre des maillots de foot. Mais qui connaît l’histoire de cette course de bateaux traditionnels ? Qui comprend sa signification culturelle ?
Et combien on parie que la demande des touristes pour assister au Pacu Jalur va exploser ? Qui va se retrouver sur les rives de la rivière désormais ? Les locaux honorant une tradition de plusieurs siècles ou les touristes à selfie ?
C’est exactement ce qui ne va pas dans notre façon de voyager aujourd’hui. On survole les cultures, on les consomme sans les comprendre. On veut l’authenticité, mais en version fast-food.

De la tradition au buzz : comment on rate l’essentiel

Coincé entre quatre murs, noyé dans le bruit de la ville, on rêve d’évasion. On imagine des rencontres vraies, loin des relations superficielles du quotidien. On veut toucher du doigt l’authenticité, respirer un air différent.
L’industrie du voyage l’a bien compris. Elle propose des « villages authentiques », des « rencontres avec les populations locales », des « immersions garanties chez les ethnies ». Sur le papier, c’est tentant. Dans la réalité, c’est un piège.
Ces offres transforment des communautés entières en zoo humain. L’authenticité devient un spectacle, l’exotisme un produit qu’on achète comme une boîte de conserve. Résultat ? On rentre chez soi avec des photos, mais a-t-on vraiment rencontré quelqu’un ?
Imaginez qu’un étranger veuille découvrir la France. On l’emmène seulement voir des reconstitutions médiévales et des danses folkloriques. A-t-il vraiment compris notre culture ? Bien sûr que non. C’est pourtant exactement ce qui se passe dans ces voyages « ethniques ».
La vraie culture d’un pays ne se cache pas dans des villages transformés en musées à ciel ouvert. Elle ne vit pas dans des spectacles organisés pour les touristes.
Elle vit dans le quotidien des gens : dans les marchés du matin où les mamies se disputent les plus beaux légumes, dans les petites cuisines où se transmettent les recettes de famille, dans les ateliers d’artisans qui travaillent comme leurs grands-parents. Elle résonne dans les conversations de café, dans les fêtes de quartier, dans les gestes simples de tous les jours.

First nation dans un costume de danseur maya
Membre First Nation dans un costume de danseur maya

Quand trop de visiteurs tuent la visite

Cette course à l’authenticité crée un problème : le surtourisme. Quand des milliers de personnes débarquent dans les mêmes « villages authentiques », que se passe-t-il ? Ces lieux deviennent des décors. Les habitants se retrouvent acteurs malgré eux de leur propre vie.
Les conséquences sont lourdes : les familles n’ont plus d’intimité, l’environnement se dégrade, les prix explosent pour les locaux. Pire encore, les traditions vivantes se transforment en spectacles figés. Les populations doivent parfois exagérer leurs différences pour satisfaire les attentes des touristes.

Vers un voyage responsable et sur-mesure

Face à ces dérives, une autre approche du voyage émerge. Elle privilégie la rencontre humaine à l’exhibition culturelle, l’échange sincère à la consommation d’exotisme. Cette démarche responsable repose sur plusieurs principes fondamentaux.
D’abord, elle reconnaît que l’authenticité ne se visite pas, elle se vit. Plutôt que de chercher des « expériences authentiques » préparées, elle encourage les voyageurs à s’ouvrir aux rencontres spontanées, aux invitations inattendues, aux découvertes fortuites.
Ensuite, elle privilégie la qualité à la quantité. Un voyage sur-mesure permet de prendre le temps, de créer des liens durables, de comprendre les subtilités culturelles. Il évite la course aux sites incontournables et aux selfies obligatoires.

Haenyo chantant pour les touristes sur l'île de Jeju
Haenyo chantant pour les touristes sur l’île de Jeju

Créer des ponts plutôt que des vitrines

Cette philosophie du voyage transforme le rôle des professionnels du tourisme. Plutôt que de vendre des expériences calibrées, ils deviennent des facilitateurs de rencontres humaines. Ils créent des ponts entre les cultures, organisent des échanges respectueux, favorisent la compréhension mutuelle.
Cette approche bénéficie à tous : les voyageurs vivent des expériences plus riches et plus sincères, les communautés locales conservent leur dignité et leur intimité, l’environnement culturel reste préservé. Les retombées économiques du tourisme profitent directement aux habitants sans les transformer en figurants.

Repenser notre rapport au voyage

Le voyage responsable nous invite à questionner nos motivations profondes. Cherchons-nous vraiment à comprendre une culture ou simplement à collectionner des expériences instagrammables ? Voulons-nous rencontrer l’autre dans sa complexité ou consommer son exotisme ?
Cette réflexion nous amène à reconsidérer notre rapport au temps et à l’espace. Plutôt que d’enchaîner les destinations, nous pouvons choisir de nous immerger véritablement dans un lieu, d’apprendre sa langue, de comprendre ses enjeux contemporains.

Membre d'une communauté First Nation
Membre d’une communauté First Nation

L’avenir du tourisme passe par l’humain

Face aux défis du surtourisme et du changement climatique, le secteur touristique doit se réinventer. L’avenir appartient probablement aux voyages moins fréquents mais plus profonds, aux séjours plus longs mais plus respectueux, aux rencontres plus authentiques car moins orchestrées.
Cette évolution demande un effort collectif : des professionnels qui privilégient l’éthique au profit immédiat, des voyageurs qui acceptent de sortir de leur zone de confort, des communautés locales qui restent actrices de leur développement touristique.
Le voyage responsable n’est pas une contrainte mais une invitation à redécouvrir le plaisir de la découverte authentique. Il nous rappelle que derrière chaque destination se cachent des hommes et des femmes qui ont des histoires à partager, des savoirs à transmettre, des rêves à poursuivre.
Dans un monde de plus en plus connecté mais paradoxalement isolé, ces rencontres humaines sincères deviennent notre plus belle richesse de voyage. Elles nous transforment autant qu’elles nous émerveillent, nous questionnent autant qu’elles nous apaisent.

C’est peut-être cela, finalement, le vrai luxe du voyage : prendre le temps de l’autre, s’ouvrir à l’inconnu, créer des liens qui survivront au retour.

À lire ensuite

France
Vous voulez un devis ? Bien sûr. Mais si on se disait la vérité sur ce que cela implique — pour ...
24 juillet 2025
France
Organiser son voyage, c’est comme cultiver son jardin. Certains font appel à un paysagiste qui ...
17 juillet 2025
France
Quand le PSG copie la danse d'un enfant de 11 ans et que tout dérape Rayyan Arkan Dikha, un ...
11 juillet 2025